Entretien portrait

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Entretien portrait

Le 17 Juin 2020, dans le cadre du premier numéro de votre magazine, nous avions eu l’honneur d’interviewer Mr Cheikh Matar FALL, à l’époque Premier Secrétaire de l’Ambassade du Sénégal en RDC. Interview au cours de laquelle, Mr FALL était revenu sur notamment son parcours, sa fonction de diplomate en plus d’adresser des messages à la Jeunesse.

Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Cheikh Matar FALL, j’ai 28 ans , je suis diplomate de carrière, Chancelier des Affaires étrangères et actuellement, Premier Secrétaire de l’Ambassade du Sénégal en RDC.

« C’est un honneur de représenter et de servir son pays loin de ses terres, il y a un sentiment de fierté qui t’anime après chaque mission accomplie. C’est un métier véritablement passionnant. »

Pouvez-vous revenir sur votre parcours de formation ?

Après mon Bac littéraire, j’ai été orienté à la faculté des sciences juridiques et politique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et c’est à partir de la troisième année de droit des affaires que j’ai réussi au concours de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).

J’ai alors rejoint cette prestigieuse école pour faire deux années de formation en diplomatie, précisément avec la promotion 2013-2015.

J’ai également suivi une Formation militaire dite Formation initiale du Combattant (FIC) à l’Ecole Nationale des Sous-Officiers d’Active (ENSOA) dans le cadre de la formation à l’ENA.

Par ailleurs, je suis alumni du programme Young African Leadership Initiave (YALI) en Public Management de la session 9 au CESAG à Dakar.

Quid de vos expériences professionnelles ?

Après la formation à l’ENA, j’ai été naturellement affecté au Ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur.

Durant mes deux ans, J’ai eu à servir à la Direction des Affaires juridiques et consulaires (DAJC), d’abord, à la division des droits humains, du contentieux et de la consultation ; division qui traite des questions relatives aux droits humains, de la gestion des dossiers des consuls honoraires, des contentieux de l’Etat du Sénégal et des consultations sur des questions d’ordre juridique.

Je suis également passé à la division de la chancellerie qui s’occupe quant à elle, des affaires consulaires, des dossiers relatifs aux demandes de visa ainsi qu’au survol du territoire sénégalais.

Aussi, j’ai participé à un séminaire sur le partage des expériences du développement économique sino-africain à Beijing (Chine).

Par ailleurs, j’ai eu à effectuer des missions à l’intérieur du Sénégal et à l’étranger :

D’abord à Kidira, dans la région de Tambacounda, à la frontière avec la République du Mali, avec L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) au Sénégal.

Ensuite, j’ai été membre de la délégation sénégalaise ayant pris part à la 29me session du Comité Africain d’Experts sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant (CAEDBE), à Maseru au Lesotho.

Enfin, j’ai eu à effectuer une mission à Munich en Allemagne.

Depuis octobre 2018, j’ai été affecté à notre représentation diplomatique en République Démocratique du Congo, en qualité de Premier Secrétaire.

Vous êtes actuellement 1er Secrétaire de l’ambassade du Sénégal en RDC. Quelles sont vos missions ?

Je suis le chef du bureau des Affaires consulaires qui s’occupe principalement de la gestion administrative de nos compatriotes, de l’assistance consulaire ainsi que de la délivrance de visa aux étrangers désirant se rendre au Sénégal.

Il m’arrive également de faire le suivi de la coopération bilatérale entre le Sénégal et la RDC, sans parler des taches que Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur veut bien me confier.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?

Des difficultés mineures je dirais, qui sont la plupart du temps liées à l’incompréhension qui peut naitre entre l’usager et l’administration.

Quelles sont les choses qui vous plaisent le plus dans vos missions ?

C’est un honneur de représenter et de servir son pays loin de ses terres, il y a un sentiment de fierté qui t’anime après chaque mission accomplie.

C’est un métier véritablement passionnant.

« Honneur et Excellence » est notre credo.

« En ce qui concerne les prérequis, je vais partager les propos de Mankeur NDIAYE, Diplomate et Ancien Ministre des Affaires étrangers, qui dans son livre, Diplomatie, 20 ans à la place, à la page 29, définit le métier de diplomate comme étant « une somme de valeurs, de principes éthiques et moraux, de savoir-faire et de savoir être, un sens aigu du regard et une grande capacité d’esprit d’anticipation et de prévision. »

En tant que Diplomate, vous êtes appelés à beaucoup voyager. Cela ne vous fait-il pas douter ?

Si j’étais aérophobe certainement oui mais ce n’est pas mon cas.

Diplomatie et Vie personnelle épanouie : Sont-elles conciliables ?

Une question qui revient toujours, On parle même de célibataire géographique pour désigner les diplomates mariés qui sont séparés de leurs familles, ce qui montre que c’est parfois délicat de concilier les deux même si ce n’est pas impossible.

D’ailleurs Albert CHAMBON, dans son livre intitulé « Mais que font les diplomates entre deux cocktails ?» pense que : « un métier de diplomate est un métier ou il faudrait être orphelin et célibataire. La solitude du diplomate est, par ailleurs, encore plus morale que physique. Certes il est un homme sollicité, entouré, invité, mais ces attentions se rapportent essentiellement à sa fonction, et il ne tarde pas à éprouver comme un constant sentiment d’isolement qui l’amène, au fil des années, à se replier sur lui-même… »

En ce qui me concerne, je trouve que c’est juste une question de compréhension et d’organisation, pour preuve, il y a des femmes diplomates qui arrivent à très bien concilier leur travail et leur ménage.

On est diplomate ou on le devient ? D’après-vous quels sont les prérequis ?

On le devient car un diplomate est en constante formation, il évolue avec le monde.

En ce qui concerne les prérequis, je vais partager les propos de Mankeur NDIAYE, Diplomate et Ancien Ministre des Affaires étrangers, qui dans son livre, Diplomatie, 20 ans à la place, à la page 29, définit le métier de diplomate comme étant « une somme de valeurs, de principes éthiques et moraux, de savoir-faire et de savoir être, un sens aigu du regard et une grande capacité d’esprit d’anticipation et de prévision. Elle est, en vérité au carrefour de l’habileté et non de l’espièglerie, de la finesse dans le paraitre et le comportement, de la prudence et de la sureté dans le jugement et dans la lecture des faits et gestes, de l’objectivité dans l’interprétation des évènements historiques ».

J’y ajouterais juste que comme le soldat, le diplomate doit toujours être animé par le devoir de sacrifice pour défendre les intérêts de son pays.

Il est en mission pour sa patrie.

Quels conseils donneriez-vous aux plus jeunes qui souhaitent faire la même chose que vous ?

Se former, bien se former, croire en eux et se donner tous les moyens pour accomplir leur légende personnelle.

« je pense qu’on a trop rêvé et le monde ne nous attend pas, nous sommes dans le temps de l’accomplissement, donc réveillons-nous et soyons des personnes qui sont dans l’accomplissement permanent d’actions qui permettront au Sénégal d’aller de l’avant. »

Pour changer de registre qu’est-ce que la situation actuelle (COVID 19) vous inspire ?

Nous ne sommes que peu de chose, ainsi commençait la chronique un journaliste belge pour faire le tableau du monde face à cette pandémie de covid19.

Et je partage entièrement ce point de vue ; pour la première fois, nous sommes tous égaux face au covid19, riche comme pauvre, footballeur comme supporteurs, homme politique comme citoyen lambda, star planétaire comme inconnu, pays développé comme pays sous-développé.

Ce qui montre si besoin en était, qu’il faut toujours faire preuve d’humilité et savoir que rien n’est acquis à l’avance.

Soyons humbles !

J’imagine que vous-aussi vous êtes impacté (COVID-19) ?

Oui, j’habite dans une zone confinée.

Quelles leçons peut-on en tirer (COvid-19) ?

D’abord, je reste convaincu que cette malheureuse situation est le résultat d’un manque de leadership international.

En effet, aucune personnalité publique n’est capable aujourd’hui d’incarner le leadership international pour réunir les chefs d’Etats afin de discuter des défis internationaux.

Un leader avec une vision aurait dés le départ de l’épidémie à Wuhan convoqué un sommet international sur la question sanitaire afin de maitriser, limiter et endiguer le virus en chine.

Cependant « Quand le malheur ne serait bon qu’à mettre un sot à la raison, toujours serait-ce à juste cause, A quelque chose malheur est bon ! », disait Jean de la Fontaine.

Sur ce, je pense qu’il faudrait profiter du coronavirus pour repartir sur de nouvelles bases, un ordre international nouveau pour reprendre le Président de la République, Son Excellence, Monsieur Macky SALL, un ordre basé sur l’humanisme et l’éthique dans la coopération internationale.

A ce propos, le diplomate et non moins ancien Secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger se posait la question suivante : le nouvel ordre mondial se fera par le chaos ou par notre propre intelligence.                   

En effet, Il a fallu la guerre des 30 ans pour que les Etats se mettent autour d’une table afin de signer le traité de paix de Westphalie en 1648, traité qui permettait au monde de repartir sur une nouvelle base à savoir, le respect de la souveraineté entre les Etats.

Ainsi, partant sur ce principe, peut-on considérer le chaos sanitaire du coronavirus comme la base du nouvel ordre mondial ?

A cette question, mon côté pessimiste répondra par la négative car depuis longtemps chaque crise a nourri de l’espérance d’une prise de conscience collective mais il suffit de la résoudre pour qu’au lendemain, on recommence nos habitudes.

Mon coté optimiste pense inéluctablement qu’on basculera vers un nouvel ordre mondial.

En effet, cette crise a bouleversé la normalité.

En l’espace de quelques semaines, on a assisté, à la remise en cause de la solidarité au sein de l’Union Européenne, à une interrogation sur l’efficacité des Organisations internationales, l’OMS en particulier, à la récession économique, au duel à distance entre les USA et la Chine, sans évoquer la limitation des libertés individuelle dans des pays dits démocratiques.

Tous ces évènements montrent qu’il y’aura forcément un après covid19.

Et j’espère que mon côté optimiste aura raison de nous.

« …je pense qu’il faudrait profiter du coronavirus pour repartir sur de nouvelles bases… »

Quelles sont les causes qui vous tiennent à cœur ?  

La lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre le chômage, la bonne gouvernance dans la gestion des choses publiques, la lutte contre la pauvreté dans le monde entre autres.

Quel est votre message à l’endroit de la jeunesse sénégalaise ?

Selon René Char, “ Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit”, je pense qu’on a trop rêvé et le monde ne nous attend pas, nous sommes dans le temps de l’accomplissement, donc réveillons-nous et soyons des personnes qui sont dans l’accomplissement permanent d’actions qui permettront au Sénégal d’aller de l’avant.

Votre mot de la fin ?

Se laver les mains, Porter des masques et appliquer la distanciation sociale afin de combattre définitivement cette pandémie du covid19.

Merci et Bonne continuation à BIRAMAWA.

Cette interview date du 17 Juin 2020